Ai
fait de grands dessins à la plume, une immense campagne
plate, vue à vol d’oiseau du haut d’une colline
– des vignes, des champs de blé moissonnés.
Tout cela multiplié à l’infini, détalant
comme à la surface de la mer vers l’horizon borné
par les monticules de la Crau ; ça n’a pas l’air
japonais, et c’est la chose la plus japonaise réellement
que j’ai faite ; un personnage microscopique de laboureur,
un petit train qui passe dans les blés ; voilà toute
la vie qu’il y a là-dedans.
L’ami peintre qui trouve que ce serait embêtant à
faire et la marin qui trouve que c’est plus beau que la
mer puisque habité.(Russell,
501a)
j’étais
au soleil couchant dans une bruyère pierreuse où
croissent des chênes très petits et tordus, dans
le fond une ruine sur la colline, et dans le vallon du blé.
C’était romantique, à la Monticelli, le soleil
versait des rayons très jaunes sur les buissons et le terrain,
absolument une pluie d’or. (508,
12 juillet)
Nouveau
motif : coin de jardin avec des buissons en boule et un arbre
pleureur. (508, 12 juillet)
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Lundi
9 juillet
J'ai passé
ma journée à revoir un peu toutes les toiles pour
y apporter quelques retouches avant de le envoyer à Theo.
Mardi
10 juillet
Je fais surtout
des dessins à cause de ce diable de Mistral. Même
en attachant le chevalet et la toile, il emporte tout. Heureusement
pour les dessins, le vent ne me gêne pas.
Les deux dessins
de la Crau que je viens de finir n'ont pas l'air japonais, mais
c'est pourtant la chose la plus japonaise que j'ai faite.
Je les ai
fait à la japonaise avec des petites silhouettes qui montrent
qu'il y a de la vie là-dedans.
Mercredi 11 juillet
J'étais
aujourd'hui sur une bruyère herbeuse avec des chênes
tout tordus, dans le fond, la ruine sur la colline.
C'était très romantique - à la Monticelli.
On s'attendrait presque à voir passer des gentilhommes
se rendant à la chasse au faucon ou de vieux troubadours
provençaux.
Jeudi 12 juillet
Le vétérinaire
avec qui je devais aller hier au Saintes-Maries m'a laissé
en plan. Je ne suis pas content parce que j'aurais bien aimé
peindre encore des marines et me baigner.
Je voudrais
bien maintenant peindre dans les verts. Après le blanc
et le rose des vergers, le jaune des champs de blé, le
bleu des marines, j'attaquerai bien les jardins.
Je suis déçu
de constater qu'il n'y a pas d'amateurs de peinture ici. Peut-être
à Marseille ? Mais je ne me sens pas la force d'aller faire
des démarches à Marseille.
Ces jours-ci, je lis Balzac, César Birauto.
Vendredi
13 juillet
J'ai attaqué
au roseau une étude très détaillée
du jardin que
j’ai devant chez moi. Il possède un petit coin avec
un arbre pleureur et des buissons de lauriers complètement
délirants.
Je me sens
un peu seul ces temps-ci.Il se passe des journées sans
que je n'adresse un mot à quelqu'un si ce n'est pour demander
un café ou à manger.
Mais la solitude
ne me gêne finalement pas tant que ça, étant
pris par mon travail.
Le soleil d'ici, c'est quelque chose. Il éclaire les choses
à un point que je n'aurais jamais cru. La nature à
toute heure de la journée prend des couleurs incroyables.
Le ciel dévoile ici toute sa palette. Et je ne pourai faire
que ça : peindre.
Quand l’attention
est plus intense, ma main devient plus sûre.
Samedi 14 juillet
J'ai peint
une nouvelle étude du jardin que j'ai fini mais les deux
me semblent encore un peu brouillonnes et décousues.
Il faudrait que j’arrive à peindre plus tranquillement.
A ce
jour, je dois avoir une trentaine d'études qui iraient.
J'en voudrais encore autant pour pouvoir prétendre à
une exposition.
Dimanche
15 juillet
Je n'arrive
pas à intéresser les gens d'ici. Ils ne s'intéressent
pas à la peinture, il y a partout comme déco que
des médaillons Julien colorés, des horreurs. Ce
n'est pas demain que je vais vendre quelque chose. J’aimerais
dépendre moins de Theo. Je n’arrête pas de
lui demander de l'argent.
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