Ce restaurant
où je suis et bien curieux, c’est entièrement
gris, le parquet est en bitume gris comme un trottoir, papier
gris sur le mur. Stores verts toujours fermés, un grand
rideau vert devant la porte toujours ouverte, empêche la
poussière d’entrer.
C’est d’un gris Vélasquez, comme dans les Fileuses.
petites tables à nappes blanches. Derrière on aperçoit
l’antique cuisine propre comme une cuisine hollandaise,
parquet de briques rouges, légumes verts, armoire de chêne,
fourneau de cuisine à cuivres luisants, à briques
bleues et blanches, et le grand feu orange clair.
Dans la cuisine une vieille femme et une grosse courte servante
aussi en gris, noir, blanc, du vrai Vélasquez.
Devant le restaurant une cour ouverte, dallée de briques
et sur les murs des vignes folles, des circonvolutions et plantes
grimpantes. Cela encore, c’est du vrai provençal
alors que les autres restaurants sont tellement à l’instar
de Paris. (521, 12 aôut 88)
Pochade que j’ai faite de moi, chargé de boîtes,
de bâtons, d’une toile, sur la route ensoleillée
de Tarascon (524, 15 août).
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Lundi
13 août
Les vêtements des femmes d’ici sont très beaux,
très colorés. Elles ont sens inné des complémentaires
et des arrangements de couleurs.
J'ai l'impression que je reviens aux idées que j'avais
avant de connaître les impressionnistes. Au lieu de chercher
à rendre exactement ce que j’ai devant les yeux,
je me sers de la couleur plus arbitrairement pour m’exprimer
fortement.
Je mange beaucoup
mieux dans ce restaurant. J'ai eu envie de le peindre.
Mardi
14 août
Il fait très chaud et on a moins de vent. L’été
est magnifique ici. Les verts sont très dense, très
riches et le ciel clair, étonnement transparent.
c’est la bonne chaleur qui me rend mes forces;
Cent a fait
un legs à Theo, pas à moi. Preuve qu'il m'en veoulait
toujours de na pa avoir été docile. Maus cet argent
va nous servir à nous deux. Theo a promis de m'envoyer
ce qu'il faut pour m'installer et travailler.
Mercredi 15 août
Comme il y avait trop de vent hier, j'ai eu envie de redessiner
encore les marines des Saintes. Elles manquaient de sûreté
dans la touche, aussi j'ai accentué les vagues au roseau.
J'ai retrouvé le geste d'Hokusai de la Vague.
Jeudi
16 août
A l'atelier,
je me suis amusé à faire une pochade de moi sur
la route de Tarascon. Avec tout mon matériel toiles, boîtes,
chevalets, piquets, etc..., j’ai l'air d'un porc-épic,
mais quand je ne prends pas mon cadre ou mes piquets, je le regrette
surtout quand il y a du vent. Heureusement, ces jours-ci pas trop.
Vendredi 17 août
J'ai peint eu études de chardons blancs un peu poussiéreux.
Samedi 18 août
J'ai encore refait le portrait de Roulin qui est devenu mon ami.
Il est bien plus intéressant que tous ceux que je rencontre
ici.
Un peu du genre de Tanguy mais en plus émouvant.
Dimanche
19 août
J’ai l’impression que je commence à y voir
plus clair.
Je me porte fort bien ces jours-ci, à la longue, je crois
bien que je deviendrais tout à fait du pays.
J'ai peint
un petit campement gitan sur fond vert.
J'ai fait
un tour du côté de la gare pour dessiner et peindre
des vieux wagons.
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