... toile de 30
carrée jardin promenade sous les platanes avec le gazon
vert et des buissons noirs de sapins. (538 18 septembre)
... je suis allé continuer un tableau de jardin ensoleillé.
suis ressorti avec une toile blanche et celle-là aussi
est faite.
Cela me fait trois
tableaux des jardins en face de la maison. Le dernier tableau
, fait avec les tubes de la dernière toile, un jardin naturellement
vert, est peint sans vert proprement dit, rien qu’avec du
bleu de Prusse et du jaune de chrome (539, 19 septembre).
A partir de 7 h du matin, j’étais assis devant pourtant
pas grand chose, un buisson de cèdre ou de cyprès
en boule… La rangée de buissons dans le fond sont
tous des lauriers roses fous furieux, les sacrées plantes
fleurissent d’une façon que certes elles pourraient
attraper une ataxie locomotrice. Elles sont chargées de
fleurs fraîches et puis de tas de fleurs fanées,
leur verdure également se renouvelle par de vigoureux jets
nouveaux inépuisables en apparence.
« Ce jardin a un drôle de style, qui fait qu’on
peut se représenter les poètes de la Renaissance
: le Dante, Pétrarque, Boccace se baladant dans ces buisson
sur l’herbe fleurie. Voilà la troisième fois
que je peins le même endroit.
Or voilà pourtant le jardin qui est tout juste devant ma
maison (541, 23 septembre).
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Lundi
17 septembre
Russell m’a écrit encore pour que je vienne le voir,
mais je verrai plus tard. J’ai trop de choses à faire
ici. Maintenant que je peux être tranquille, mon travail
avance bien. J’arrive à rendre des effets très
intéressants. La peinture avec les effets de nuit est très
riche et il y a beaucoup à apprendre encore.
Mardi
18 septembre
Cette nuit, j’ai pour la première fois dormi à
la maison. Grâce à la tranquillité que va
m’amener la maison, je vais pouvoir enfin peindre tranquille.
Depuis longtemps que j’ai envie d’avoir un chez-moi,
ça suffisait les hôtels pour voyageurs pauvres. Je
voudrais faire une maison d’artiste avec des belles peintures
de bas en haut. La décoration de la maison remboursera
Theo des frais antérieurs.
Maintenant que je sens mon travail prendre enfin forme, je voudrais
travailler plus paisiblement, moins pressé.
La dernière toile du jardin est ce que j’ai fait
de mieux. Les couleurs sont en pleine pâte et solides.
Je garde toutes les lettres de Bernard, elles sont vraiment intéressantes.
Mercredi 19 septembre
Il était indispensable que je vienne dans le Midi. Voir
la couleur et la lumière d’ici ma renforce beaucoup
dans ma croyance à une peinture vivante et forte. Avec
les nouvelles que m’apporte Theo, je sens que je commence
à intéresser les gens. Il paraît que Pissarro
a beaucoup aimé ma petite arlésienne. J’aimerais
qu’il voie mes nouvelles toiles. Je serai curieux d’entendre
ce qu’il va dire. Lui au moins est un vrai maître.
Jeudi 20 septembre
Je me sens plus libre et moins travaillé par le chagrin.
Enfin je vois venir à moi l’espérance d’un
travail sain et vendable.
L’atelier aussi me rend heureux. Maintenant, je pourrais
accueillir des artistes.
Mon atelier
à la porte du Midi tentera, j'espère, plusieurs
artistes cet hiver.
Le Midi m'enchante. Quand je regarde ce que j'ai fait depuis que
je suis ici, je vois que le résultat tient debout, sutout
dans ma nouvelle approche
de la couleur. Comme moi Delacroix et Monticelli sont des gens
d’imagination. Le Midi est essentiellement un pays dont
on ne saurait interpréter le charme que par la couleur
de coloriste extrême.
Vendredi 21 septembre
Gauguin exagère. Il veut maintenant qu’on lui paie
son voyage et ses dettes pour venir. Il ne dit même pas
dans sa lettre à Theo qu’il le remboursera en œuvres.
Si Bernard veut venir ici lui aussi, j’ai dit à Theo
de ne pas le faire dans les mêmes conditions.
Parce que jamais j’ai eu une telle chance, ici la nature
est extraordinairement belle. Tout et partout la coupole du ciel
est d’un bleu admirable, le soleil a un rayonnement de soufre
pâle.
Samedi 22 septembre
Aujourd’hui, j’ai fait coup sur coup deux toiles de
jardin. Les vibrations sereines des couleurs, ces jours-ci, sont
indiciblement belles. Je suis ressorti avec une toile blanche
que j’ai peinte avec mes derniers tubes. Il ne me restait
que peu de couleurs et je l’ai simplifiée à
l’extrême. Comme il ne me restait plus de vert, je
l’ai fini avec du bleu de Prusse et du jaune de chrome.
Ce qui m’étonne de moi, c’est que je n’ai
plus d’hésitations ou de complexes à m’attaquer
à ce qui me plait, sans réfléchir et même
sans couleurs.
Dimanche 23 septembre
Quand je peins, je pense souvent à Delacroix et Monticelli.
Je retrouve leurs rapports de couleurs et la puissance de leur
geste, de leur expression.
Mes dernières toiles des jardins, les Tournesols et le
café de nuit me semblent très réussies. J’aimerais
que Seurat les voie.
Lui est un vrai coloriste, il comprendra ce que j’ai fait.
Même si je me suis éloigné de sa théorie
et des touches pointillistes, il y a quelque chose dans l’arrangement
des couleurs que je fais maintenant.
Je ne sais
si Delacroix a employé ce terme, mais ce que je cherche
à faire, c’est de la couleur suggestive.
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