VINCENT VAN GOGH

LE JOURNAL DE LA MAISON JAUNE

site : vangoghaventure.com

 

Vingt-troizième semaine

Mon étude de vigne, j’ai sué sang et eau dessus. (544 1er octobre).
Les vignes que je viens de peindre sont vertes, pourpres, jaune, à grappes violettes, à sarments noir et orangés…(544 1er octobre)
Paysage à ciel bleu au-dessus d’une immense vigne verte, pourpre, jaune.


Toiles de 30 carrées (jardin du poète) qui m’éreintent considérablement et doivent me servir à décorer la maison.
un tableau est aussi difficile à faire qu’un diamant grand ou petit à trouver (B18 fin septembre).

J’ai du meilleur : ciel étoilé, pampres, sillons, jardin du poète.
hier j’ai peint un coucher de soleil. Hier j’ai peint un coucher de soleil. 545 octobre - 7 octobre

 

Lundi 1er octobre
Il semble dans la dernière lettre de Gauguin qu’il s’apprête à venir bientôt.
La description qu'il fait de lui me touche jusqu’au fond des fonds.

Même Bernard a dit qu’il viendrait peut-être. On aurait Gauguin comme chef d’atelier et tout le monde fera de vrais progrès. La conception qu’il donne de l’Impressionnisme m’éclaire beaucoup dans ce que je fais.
Les dessins de Bernard me semblent trop faits à la hâte. Il a besoin de s’appliquer plus et d’écouter les conseils de Gauguin.
Je suis très content d’avoir ces tableaux de Gauguin et Bernard avec dans chacun le portrait de l’autre. Je vais lui envoyer mon dernier autoportrait en bouddha éternel. Je suis sûr qu’il se tiendra bien à côté du sien où il m’a l’air passablement triste et torturé.
Dans la lettre, il y avait une caricature de moi où je ne me retrouve pas. D’abord, je ne fume que la pipe et puis cette position en haut d’un rocher ne peut pas être moi qui ai horreur du vide. Le quatrième étage où habite Theo me donnait déjà le vertige… Ces invraisemblablités m’énervent. Il ferait mieux de s’appliquer autrement. Il est grand temps qu’il vienne.
En attendant je ferai du dessin.

 



Mardi 2 octobre
Dans sa lettre, Wil dit qu’elle préfère la sculpture à la peinture.
Si elle regardait mieux les fleurs de Monticelli, elle verrait combien je le continue comme si j’étais son fils ou son frère.
Je n’arrête pas de penser à Monticelli surtout quand je suis dans ces jardins. Lui aussi a peint le Midi en plein jaune, en plein orangé, en plein soufre.
Il faudrait que j’aille à Marseille trouver un lieu d’exposition pour les Impressionnistes. On ira quand Gauguin sera là. Je m’habillerai en blanc avec un grand chapeau jaune et une canne à la Monticelli pour descendre la Canebière.



Mercredi 3 octobre
Le Mistral m’empêche encore de travailler dehors. J’en profite pour finir ou retoucher certaines études. Dans l’ensemble, je n’ai pas à y revenir. Je les ramène toutes faites et je n’ai que peu de choses à modifier ou à compléter.
Je travaille à corps perdu et je ne peux plus m’arrêter. Je n’ai plus de couleurs. J’ai encore dépassé le budget, mais je ne peux pas faire autrement, pris dans la rage de travail où je suis. Il faudrait que Theo demande à Thomas d’avancer de l’argent pour me permettre de ne pas ralentir, de continuer. Je n’ai même pas eu 3 francs pour aller au bordel.
Je n’ai toujours rien reçu de Theo. Je vis à crédit au café.

 


Jeudi 4 octobre
Je voudrais faire du portrait, mais pas moyen d’avoir des modèles.
La conception de Gauguin des tableaux fait de tête ne me va pas. J’ai trop besoin d’avoir la nature en face de moi. Je n’ai pas de désir ou de courage pour chercher à faire autrement pour l’instant. C’est dehors que la vie se passe et pas dans l’atelier.


Vendredi 5 octobre
Démêler l’essentiel de ce qui constitue le caractère immuable des choses, chercher derrière ce qui se présente l’équilibre originel des choses, simplifier à l’extrême les paysages pour en faire ressortir les lignes immuables, les couleurs vraies, voilà à quoi je dois tendre.


Samedi 6 octobre
Je me suis trop habitué et je préfère maintenant écrire en français à Wil.
Avec ce temps tranquille je me laisse aller.
le vrai et juste commerce des tableaux est de se laisser aller à son goût, son éducation devant les maîtres, sa foi enfin.

 

Dimanche 7 octobre
Les études qui font tableau, je préfère les finir dans le cadre. L’encadrement est très important. Il met en valeur ou parfois tue une toile. Je préfère des cadres simples ou très clairs ou très foncés.


Bernard dit qu'il va venir aussi. Il me propose un échange avec eux quatre. Laval viendra également et deux autres qui ont le désir de venir. La vie en commun de plusieurs peintres, je stipule avant tout qu’il faudra un abbé pour y mettre de l’ordre et que naturellement ce serait Gauguin.

L’étude du bordel que je viens de faire pour Bernard est assez dans le ton. Les figures montrent bien l’atmosphère de ces lieux.

 

 

Travail en cours