J'ai travaillé deux toiles : souvenirs de jardin à Etten et une liseuse de romans

Souvenir de jardin à Etten pour le mettre dans ma chambre à coucher. je sais que cela n'est guère ressemblant, mais pour moi, cela me rend le caractère poétique.

Mardi 13
Comme il pleut aujourd'hui, je suis en train de peindre une liseuse de romans dans une bibliothèque.Une femme moderne avec de grands cheveux noirs qui est absorbé par le livre jaune qu'elle est en train de lire. Elle a un corsage vert et des manches lies de vin.
Cette liseuse de romans est assise sur fond de rayonnages près d'une échelle dans une bibliothèque toute jaune.

Mercredi 14 novembre
J'ai attaqué une grande peinture d'imagination et de souvenirs du jardin à Etten. Un tableau tout en courbes où j'ai mis ma mère, ma soeur Wil et une cueilleuse du Brabant.
Les couleurs que j'ai choisies pour rendre la personnalité de ma mère : violet sombre tacheté de rouge, et de ma soeur : carrelé orange et vert me permettent de rendre le caractère poétique du jardin tel que je le sens.
En arrangeant bien les couleurs, on peut dire des choses consolantes comme en musique. C'est une peinture comme vue dans un rêve à la fois dans le caractère et plus étrange que dans la réalité.
Theo a écrit qu'il avait vendu deux nouvelles toiles de Gauguin et que Degas s'intéressait de près à son travail.
Ce qui rendu Gauguin arrogant. Il imagine que son rêve d'être " lancé " par Theo est en train de se réaliser et me regarde un peu de haut. Est-ce ma faute si je ne vends pas ? J'ai l'impression que je fais de bonnes choses ces temps-ci.

Jeudi 15 novembre
Même si grâce à Gauguin j'arrive à peindre d'imagination, je regrette mes extases dans la nature où les couleurs me venaient comme les mots dans une lettre, où je m'oubliais moi-même pendant des heures, tout entier dans ce que je faisais. Cette façon de peindre plus lentement et plus gravement fait remonter en moi des souvenirs douloureux et me ramène des nostalgies dont je n'ai que faire. J'ai pas envie d'une peinture calme et repliée sur soi et sur mes souvenirs mais au contraire, participer de la nature, me fondre avec elle, de jouir du soleil comme une cigale, quitte à m'écrouler de fatigue par la suite.

Vendredi 16
On ne sait pas quand une toile est finie quand on peint d'imagination alors que sur le sujet, la toile vous dit quand il n'y a plus rien à ajouter. Je préfère quand même trouver la peinture toute faite dans la nature et n'avoir juste qu'à la démêler.

Samedi 17
J'essaye de travailler de tête suivant le conseil de Gauguin, mais je ne suis pas content de la toile actuelle du jardin à Nuenen. Je n'ai pas son imagination de Gauguin et quand je me force, je m'énerve, elle est ratée.
Je viens de peindre un bal aux "Folies arlésiennes" où il y a du monde et du mouvement.
Gauguin s'intéresse de près à ce que je peins. Il m'explique souvent comment je dois organiser mon dessin, placer mes personnages et choisir mes couleurs. Ce sont surtout les cadrages et la composition générale qui le préoccupent. Je l'écoute avec attention et suit au mieux ses conseils, j'essaie de m'appliquer à tout faire comme il me dit. En revanche, il prend mal quand je dis quelque chose sur ce qu'il fait.

Dimanche 18
Gauguin ne se plait pas ici. Il n'est pas content et râle après moi. Je veux bien qu'il m'apprenne sa manière, mais il est persuadé qu'il n'y a que lui qui aille dans la bonne direction.
Il m'a montré que malgré ce que j'en dis, j'arrive à suivre ses conseils et que mes tableaux sont meilleurs, mais il me dit d'un autre côté que mes Tournesols sont plus beaux que ceux de Monet et qu'ils valent au moins aussi cher.