Sur la plage toute
plate, sablonneuse, de petits bateaux verts, rouges, bleus, tellement
jolis comme forme et couleur qu'on pensait à des fleurs.
(l bernard) |
Lundi
18 juin
Le
dessin des barques sur la plage que j'en avais fait aux Saintes
le matin avant de partir était très bon. C'est même
un des meilleurs de ces derniers temps. Et je l'ai fait à
toute vitesse.
Je l'ai déjà recopié directement sur la toile.
Comme il y avait un peu de vide à droite, j’ai repris
le dessin de la petite marine que j'ai rajouté à
droite.
Le rendu en
est très doux. Juste quelques couleurs pour le ciel et
la plage. J'ai soigné les barques : rouges vertes, bleues,
comme des fleurs...
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Mardi
19 juin
J'ai écrit à Theo que je suis tout à fait
décidé maintenant de rester ici. Mon regard change.
Je vois les couleurs plus simplement, comme les Japonais. Il faut
que je retrouve la pureté de leurs oppositions de couleur
et leur sens des complémentaires. Mon œil se fait
à la nature d'ici.
J'avais
peint très rapidement une petite aquarelle à partir
du dessin. Juste quelques couleurs jetées : du jaune, du
rouge et beaucoup de bleu.
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Mercredi
20 juin
J’ai repris le dernier dessin des cabanes des Saintes
que j'ai bien refait. Il m'a servi à asseoir la composition
et à simplifier les couleurs
Puis j'en
ai fait la peinture. J'ai insisté sur ce qu’il faut
considérer comme la quatrième paire de complémentaires
: le noir et la blanc. Ce sont des couleurs, je vais les utiliser
comme telles qu'elles, comme les japonais. La plupart des impressionnistes
s'en servent pour rompre les couleurs, jamais pour elles-mêmes.
Ils ont tort...
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Jeudi
21 juin
J'ai largement exagéré les couleurs dans les deux
peintures que je viens de finir. Surtout dans la "Rue"
où j'ai simplifié un maximum. J’y ai casé
les trois paires de complémentaires, ciel jaune, sol rose,
ça éblouit....
C'est aussi
pimpant que la cafétière.
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Pour
l’instant je suis tout différent, n’ayant
plus ni cheveux, ni barbe, l’un et l’autre
constamment coupé ras. En outre du gris vert
rose, mon visage est passé au gris orangé,
et je porte un vêtement blanc, et je suis toujours
couvert de poussière, chargé comme un
porc-épic, hérissé de bâtons,
chevalet, toile, et autre fourniment. Seuls les yeux
sont restés les mêmes, mais une autre couleur
intervient dans le portrait, celle d’un chapeau
de paille jaune comme en portent chez nous les frontaliers
; enfin une petite pipe très noire. (Wil
4 20 juin)
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Vendredi
22 juin
J'ai écrit une lettre interminable à Wil.
J'avais besoin de me confier. Elle va penser que je me plains
encore. C'est en partie vrai. Mais bon, tous ces gens, cette famille,
les marchands ne font rien pour me faciliter la vie. Des hypocrites
et des égoïstes.
J'ai fait
un nouvel autoportrait où je me vois très différent.
Je n'en avais plus fait depuis Paris. Ils ont toujours révélateurs.
J'ai l'air maintenant plus détendu avec mon chapeau de
paille jaune. Le soleil me fait du bien. Ici la chaleur est sèche
et limpide. J'ai bronzé. Je me sens bien.
C'est dommage de ne pas avoir de portraits à faire. Je
peins des paysages alors que je me sens vraiment plus habile à
faire le portrait.
Les gens sont
tranquilles ici. C’est pour moi toujours un plaisir que
quelqu’un soit présent lorsque je travaille dehors.
Cet après-midi, quelques passants sont venu me voir pendant
que je peignais.
Comme un musicien, j'aimerais que les gens assistent au spectacle
- ça pourrait en être un - de quelqu'un en train
de peindre. Peut-être à la fin applaudiraient-ils
?
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Je travaille en
plein midi, en plein soleil, sans ombre aucune,
dans
les champs de blé, et voilà, j’en jouis comme
une cigale.
Mon Dieu, si à vingt ans j’eusses connu ce pays au
lieu de
venir à trente-cinq ! (B7 2eme quinzaine de juin)
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Samedi
23 juin
A présent
que je suis loin de Paris,
je me sens encore plus proche de mes amis Impressionnistes.
J'avais déjà les mêmes idées qu'eux
quand je suis venu à Paris. J'étais arrivé
à la même conclusion qu'on utilisait les couleurs
de façon trop sage, trop soignée. Tout était
trop sombre.
Et dire que
quand j'ai vu la première fois une exposition des Impressionnistes,
j'ai eu peur. J'ai trouvé ça criard, négligé,
mal dessiné, mal peint. Mais cette première impression
s'est effacée quand j'ai regardé mieux.
Je me rends compte maintenant du souffle et de la liberté
qu'ils ont apportés. Surtout la liberté.
En dehors des écoles qui formatent, ils peignent tout ce
qui tombe sous leurs yeux, peuvent faire - comme moi maintenant
une peinture par jour.
Pour
eux, comme pour moi, faire un tableau est un réel plaisir.
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Dimanche
24 juin
Quel plaisir de travailler dans les champs ! Je me sens bien mieux
quand même.
Ma vue change, je sens autrement la couleur et je vois les choses
avec un œil plus japonais. Il est probable que si je reste
ici longtemps, je dégagerai mieux ma personnalité.
Cette semaine aux Saintes a été très positive.
Je compte
y retourner bientôt peindre des marines et voir la mer.
Je pense
aussi à ce magnifique ciel étoilé que j'ai
vu au bord de la plage. J'aimerais le peindre. J'y rêve
souvent, mais les meilleurs tableaux ont toujours ceux dont on
rêve.
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