J’ai enfin
un modèle, un zouave. Le buste que j’ai peint de
lui est horriblement dur, et pourtant je voudrais travailler à
des portraits vulgaires et même criards comme cela.
(501 fin juin)
Je suis bien mécontent
de ce que j’ai fait ces jours-ci, car c’est très
laid. Et pourtant la figure m’intéresse bien davantage
que le paysage. (502, 27 juin-début juillet)
Croquis d’un
semeur : jaune.. mais je me suis un peu foutu de la vérité
de la couleur. (B7 2eme quinzaine de juin)
Je viens de peindre
le motif du pont de bois avec lavoir, avec vue de ville dans le
fond. Motif en grand format.
Je crois devoir te prévenir que tout le monde va trouve
que je travaille trop vite. (504,
7 juillet)
J’ai
une vue du Rhône – le pont de fer de Trinquetaille,
où le ciel et le fleuve sont couleur d’absinthe,
les quais d’un ton lilas, les personnages noirâtres,
le pont de fer d’un bleu intense. Encore un essai bien inachevé,
mais enfin où je cherche quelque chose de plus navré
et de plus navrant par conséquent. (503, 6 juillet)
Je me suis mis
à dessiner la tête de la fillette malpropre
que j’ai vu cet après-midi. Cette gamine des rues,
j’avais trouvé qu’elle avait vaguement un air
de personnage florentin, une de ces têtes des tableaux de
Monticelli. (Russell 501a, juillet)
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Lundi
2 juillet
Comme il a
beaucoup plu aujourd'hui, je ne suis pas sorti et j’ai fini
le zouave, je l'ai fait horriblement dur, criard. Mais j’aime
beaucoup ça.
Mardi
3 juillet
Il pleut toujours, j'ai refait une peinture du zouave,
cette fois-ci, il est peint en entier sur un fond de mur blanc.
Après ces deux derniers jours pluie torrentielle, on rentre
le blé qui souffre.
J'ai la possibilité de retourner en Camargue la semaine
prochaine avec un vétérinaire. J’ai hâte
de revoir les taureaux, les chevaux blancs, les flamands roses
et surtout de peindre encore des marines.
La dernière fois, je n'avais que trois toiles et il y a
encore beaucoup à faire.
J'ai l'impression que je travaille vite et mieux. Je me sens comme
les vieux guépards qui d'un coup de griffe bien ajusté
et donné comme il faut, vont tout droit au but avec une
rapidité impressionnante.
J'ai montré mes dessins à Mac Knight et à
son ami qui sont venus me rendre visite. Ils les ont regardé
avec un silence glacé.
Mercredi
4 juillet
Le boulot marche bien. Je travaille de plus en plus vite.
L'essentiel est fait sur place, je n'ai plus à faire que
quelques retouches à la maison. Ils vont encore dire que
c'est trop vite fait, mais ils ne se rendent pas compte que pour
rendre l'émotion de l'instant, il faut être en accord
avec son rythme. Le mien me pousse à peindre rapidement
comme l'éclair.
Je trouve que les tableaux que je fais maintenant sont plus réussis
que les anciens même s'ils me paraissent encore trop décousus.
Jeudi
5 juillet
J'ai retravaillé au semeur et je l'ai remanié
complètement. J'ai fait un énorme soleil sur un
ciel jaune, un terrain violacé.
Maintenant,
je ne vois plus que des taches de couleurs dans un paysage que
j'essaie de retranscrire.
Le problème
pour moi maintenant, c'est de faire des tableaux comme la Barque
de Delacroix ou le Semeur de Millet mais avec des couleurs
plus vives.
Pour mon semeur, j'ai usé de contrastes simultanés
et forts de jaune et violet. Il est assez puissant comme cela.
Je fais jouer
à la couleur un rôle plus important, J'étais
dans une frénésie de travail, comme exalté,
en plein soleil. Je me suis foutu carrément de la vérité
de la couleur.
J'ai dessiné
la roubine avec son petit pont de bois la ville et les usines
au fond.
Il y a un moment que j'ai envie de les dessiner ce sujet surtout
avec les lavandières, comme au printemps.
Vendredi 6 juillet
J'ai fait
une vue du Rhône couleur absinthe avec le pont de Trinquetaille.
J'y ai rencontré une petite fille que je voudrais bien
peindre.
Il semble
que Gauguin accepte la proposition, mais il ne dit pas quand il
viendra.
Samedi 7 juillet
La fille est venue à l'atelier, j'ai pu en faire
un aquarelle.
Théo a été au Salon. J'ai l'impression qu'il
ne se rend pas compte combien l'art officiel est vermoulu. Son
organisation est aux mains d'abrutis à courte vue. les
maîtres d'école qui font partie du Salon ne tolèreront
pas qu'on accroche de impressionnistes.
Le Verger que j'ai mis sous chassis me paraît bien
meilleur si je le mets à côté de son pendant
traité en pointillés. Ces deux toiles vont partie
des présentables. J'ai écrit à Theo qu'il
me faudrait 50 de cette qualité à la fin de l'année.
Je n'en ai pas encore la moitié.
Je dois
partir demain matin aux Saintes avec un vétérinaire.
J'y passerai quelques jours. La dernière fois, j'ai vu
tant de motifs à peindre et je n'avais plus de toiles.
Dimanche
8 juillet
La saison
des blés est fini. Ils se sont dépêchés
de les rentrer à cause de toutes ces pluies. Il faut que
je me prépare pour les vignes, mais avant, je voudrais
faire quelques marines.
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