VINCENT VAN GOGH

LE JOURNAL DE LA MAISON JAUNE

site : vangoghaventure.com

 

Vingt-sixième semaine

nouveau Semeur. 558

Lundi 22 octobre
Gauguin doit être dans le train. Je m’inquiète un peu qu’il ne se plaise pas ici. Il aime trop les grands ciels de Bretagne où il a beaucoup d’amis. J’ai fait mettre le gaz dans l’atelier. Il y a maintenant une belle lumière la nuit. On pourra ainsi travailler tard pour finir nos peintures ou les jours où il pleut.
Boch est dans le Borinage. Malgré tout ce que j’ai vécu de dur dans ce pays noir et froid, j’aimerais bien y retourner maintenant que je sais dessiner et y peindre quelques toiles. Voir aussi mon ami Decruq si lui et sa famille vont bien.

Mardi 23
Gauguin est arrivé de bonne heure. Il a attendu quelques heures au café de la Gare avant de venir me réveiller. Il paraît qu’il n’a pas eu à se présenter. Ils l’ont reconnu d’après le portrait que j’avais fait. Et puis ils savaient que je l’attendais. Il est plus en forme que je croyais d’après ses lettres.
Il n’a pas l’air enthousiaste de ce qu’il a vu d’Arles, mais il n’a pas encore vu Montmajour et les beaux paysages d’ici.

Mercredi 24
Theo me reproche toujours de trop dépenser, d’après lui, je suis « un mauvais financier ». C’est plus fort que moi, je ne vois pas d’autre issue que de travailler, travailler. Et pour cela, j’ai toujours plus besoin de peinture.
Il vient de faire une bonne vente : Les « Bretonnes » à 500 f. Gauguin est très content. Il est tiré d’affaire pour un moment. Cela va nous permettre de compléter la maison
Pourquoi arrive-t-il à vendre à ce prix-là les toiles de Gauguin et pas les miennes. Je n’y peux rien. Il a l’air de me le reprocher.
On a été faire de grandes promenades dans la ville. Gauguin voulait y sentir l’atmosphère ; Il a été impressionné aussi par la beauté des arlésiennes et de leurs costumes.

Jeudi 25
On a été au bordel avec Gauguin. Il a l’air très porté sur la chose. Il veut qu’on y retourne souvent. On a envisagé d’y faire plusieurs toiles de bordel.
J’ai eu peur un moment d’être malade, mais la venue de Gauguin m’a distrait. Il est entreprenant et a foi en lui. D‘ici six mois, on aura fait une bonne provision de toile bien faites, bien saines qui montreront qu’on travaille très bien ici. Je me donne tant de mal pour faire une peinture, qui, même au point de vue de l’argent, est préférable sur ma toile que dans les tubes.
Le jour viendra où, moi aussi je vendrais.

Vendredi 26
J’apprends des choses très intéressantes sur le passé de Gauguin. C’est impressionnant tout ce qu’il a vécu. Il ne s’emballe pas et réfléchit beaucoup à tout.
Je n’arrive pas à le comprendre. Il a des avis arrêtés sur tout. Il est sûr de son travail et de sa réussite ? Il m’a dit qu’il attend le bon moment de faire un immense pas en avant.
Il ne me dit presque rien sur toutes mes dernières peintures. Il semble les regarder de haut. Je crois que les Tournesols lui plaisent, et peut-être le Semeur et ma Chambre à coucher. Il voit assez juste… Ils sont parmi les plus réussis.
Il faut dire que les grands Tournesols vibrent bien avec la chambre très ensoleillée de Gauguin.

Samedi 27
A la limite, il vaut mieux ne pas vendre tout de suite et tout garder. Mes toiles cuveront mieux et on pourra en montrer un ensemble qui étonnera tout le monde. Il faut tenir encore, j’ai dit à Theo.
Gauguin m’étonne souvent par des réflexions. Il me fait un peu peur parfois. Mais qu’il est intéressant comme homme. J’aime quand il raconte ses histoires de marins.
Il veut s’installer en Martinique. Si tout va bien, il compte mettre assez d’argent de côté pour y aller d’ici un an.
La maison est de plus en plus confortable. On profite bien du gaz dans l’atelier.
La toile de bretonnes de Bernard qu’il a amené est très belle.
J’ai fait un nouveau semeur très vite, dans les champs sous le vent.

Dimanche 28
Gauguin ne partage pas mon idée d’association de peintres ou alors dans les Tropiques. J’ai le pressentiment d’un nouveau monde où les artistes travailleront ensemble afin de réduire les frais et de se stimuler les uns les autres : tel est bon en perspective, l’autre en composition, l’autre sait bien arranger les couleurs… tout ce savoir pourra se transmettre bien plus rapidement.
Quelle énergie il a. Il ne doute pas et semble sûr de lui.

 

Travail en cours