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Ma Judéo Marocanité
Je suis né à Rabat le 10 octobre 1949 au sein d'une grande famille qui comportait du côté de ma mère de nombreux oncles et tantes et plus d'une vingtaine de cousines et cousins qui souvent ont été mes premiers partenaires de jeux. Une famille très soudée qui se recevait souvent. Il y avait toujours des fêtes, des communions, des mariages, toutes sortes d'occasions de se divertir, de danser, de chanter et de rire.
J'ai habité mes dix premières années rue Capitaine Petijean, en face d'un grand garage, un quartier populaire aux rues très animés. La grande cour centrale de l'immeuble à deux étages où nous vivions était mon terrain de jeu favori. Tous les enfants de l'immeuble, mes premiers amis, s'y retrouvaient pour jouer à toutes sortes de jeux : aux cow-boys et aux Indiens - c'était la grande période des films hollywoodiens que nous dévorions au cinéma d'à côté (avec deux films à chaque séance). Puis, bien sûr, les jeux de ballon : foot, mais surtout hand ball, on avait dessiné les buts sur les murs et j'aimais bien le poste de gardien.
Quand j’avais dix ans, nous avons déménagé pour une plus grande et plus belle maison en centre ville, rue du 18 juin. Ma mère entre temps avait créé sa propre librairie, aidée par mon frère aîné Andrė qui travaillait (avant d'en être un des responsables) dans la plus grande librairie de Rabat, "Les Belles Images", avenue Mohamed V.
Mon enfance a été baignée dans les livres, que littéralement je piétinais à l'occasion de la rentrée des classes où une foule d’élèves accompagnés de leurs parents, se pressait à notre porte pour acheter les livres scolaires de l’année à venir et nous vendre ceux de l’année précédente.
Je passais beaucoup de temps entre les deux librairies. Celle de mon frère, plus grande, plus belle, comportait en sous sol une galerie d'art où j'ai vu mes premières expositions.
Depuis, les livres et l'art constituent l’essentiel de ce qui me préoccupe.
Rabat étant la capitale du Royaume du Maroc, il y avait toutes les ambassades et dans la classe du Lycée Descartes où j'étais, beaucoup de nationalités étaient représentées. Mes amis d'adolescence étaient bien sûr français et marocains, mais aussi argentins, ivoiriens, yougoslaves, etc. Ce qui a dû m'aider à m'ouvrir et à m'intéresser à toutes les cultures.
En 1967, j'ai quitté à regret Rabat pour Nice où mes parents avaient décidé de s'installer.
Les années 60 ont connu une forte émigration des Juifs marocains vers le Canada, la France et Israël. Mes parents avaient choisi Nice où ma sœur était déjà installée. Par la suite, une grande partie de ma famille nous a rejoint.
J'ai passé mon baccalauréat et fait des études de psychologie qui ont débouché sur un emploi d'éducateur spécialisé dans un Institut Médico Professionnel près de Nice. Mais vite, la passion des livres m'a repris et je me suis retrouvé éditeur encouragé par mon frère aîné André, lui aussi installé à Nice. Il avait l'expérience de ce métier qu'il exerçait à Rabat. La librairie "Les Belles Images" éditait aussi des livres, essentiellement sur le Maroc.
Mon premier ouvrage publié a été un "Guide de Nice" où la culture régionale avait une part importante, ce qui m’a donné l’occasion de visiter les nombreux musées et galeries et de rencontrer des créateurs, des artistes.
Ce métier m’a ensuite permis de me lier avec des scientifiques, des pédagogues, des poètes, etc., vivant à Nice ou dans la région. Pendant les vingt années où je dirigeais ma maison d’édition, j’ai pu développer des collections de livres d'artistes, des revues de psychanalyse, de linguistique, de poésie, une revue scientifique, etc.
En 2002, j'ai arrêté mon activité d'éditeur pour me consacrer pleinement à l'écriture. Notamment à des ouvrages sur Van Gogh, qui a occupé et occupe toujours une partie importante de mon temps (4 ouvrages parus, des articles, conférences, films, etc.)
Proche de nombreux artistes, je suis devenu critique d'art et je publie de nombreux articles par an sur les nouvelles démarches artistiques ou les artistes émergents. Parallèlement, je poursuis des recherches sur des thèmes plus personnels : ma judéo-marocanité, l'histoire de mon nom, de ma famille, ou sur les avncées des sciences.
Durant toutes ces années, j'ai beaucoup voyagé, particulièrement en Europe et en Méditerranée. Ma femme s’intéressant à l’archéologie, c’est surtout en Italie, en Grèce et en Espagne que nous nous rendons le plus souvent.
Je connais bien aussi la Hollande (grâce à Van Gogh) où j'ai mes repères, un peuple de marins, donc ouvert et imprégné de nombreuses cultures.
Je compte aller bientôt à Iquitos sur les traces de mon grand père paternel qui a passé une vingtaine d'années en Amazonie avant de revenir au Maroc. J’espère bien aussi faire le tour du monde et écrire sur tout ce qui me fascine.
Depuis des années, la psychanalyse et l'âge aidant, je me penche sur mon passé, sur ce qui m'a constitué comme être de culture, mais aussi comme individu sentant, ressentant le monde à travers les filtres successifs de son histoire.
Mon identité, comme celle de tous les être humains, est plurielle. Je me sens marocain, juif, méditerranéen, homme du Sud, de langue et de culture française et arabe (je comprends l'arabe marocain mais ne le parle presque plus),
Ma judéo marocanité est au cœur et à l'origine de mon histoire.
Ma façon d'être au monde comporte fortement les traces impalpables de mes premières années, premières sensations, premiers mots...
J'ai ėté élevé plutôt en français, mais mes deux grands-mères ne parlant qu'arabe marocain, j'ai été baigné dans cette langue qui avec le français ont été mes langues "maternelles".
L’arabe de ma grand-mère paternelle, comme tout l'amour qu'elle m'a donné, m'a imprégné au delà des mots.
Pour exprimer certaines sensations, émotions ou sentiments, les expressions marocaines s'imposent toujours et je constate que c'est aussi le cas pour mes cousins et cousines. Dans les grandes réunions familiales, même pour ceux qui vivent au Canada ou aux USA, les expressions marocaines fusent toujours. Souvent, les enfants des cousins de ma génération nés en France, les comprennent et les utilisent. La langue primordiale, celle des sentiments, des façons d'être, se perpétue ainsi au delà des générations.
Une autre chose, un autre marqueur fondamental est la cuisine. Il y a quelques années, après le décès de ma mère, j'ai eu besoin de retrouver les saveurs de mon enfance. Très naturellement, j'ai essayé de cuisiner tous les plats qui m'ont marqué : façon de préparer le poisson, les légumes, la dafina, la Tchouktchouka, les épices, le thé à la menthe (tous les matins).
Et bien sûr, la musique orientale me fait toujours vibrer. Dans les fêtes familiales, elle joue largement sa partition face aux musiques modernes. La vraie fête, les vraies danses, sont toujours orientales. C'est un régal de voir mes cousines et petites cousines danser.
Ce soirs-là, je retrouve ma marocanité dans une façon d'être au monde, de le sentir, de le vivre.
Comment ne pas me reconnaître dans cette culture, creuset méditerranéen, mélange d'Al Andalus, de tribus berbères, de tradition sémite et de pays colorés et ensoleillés ?
Mais j'ai été aussi influencé par la culture anglo-américaine : Bob Dylan, les Beatles, les films, les auteurs. Je me suis aussi familiarisé avec les écrivains japonais, chinois, africains, russes...
Si l'identité, c'est se reconnaitre dans quelque chose, alors mon identité est constituée de multiples identités qui peuvent être discontinues, diachroniques, voire conflictuelles.
C'est cet assemblage de toutes ces identités qui a fait et continue de faire mon identité.
Citoyen du monde, j'ai aussi une identité probable de terrien face à d'éventuels extra terrestres... |