Les civilisations précolombiennes du Pérou

Nourrie par les cultures qui l'ont précédée dont elle a tirée nombre de ses techniques et une grande partie de son organisation, la civilisation Inca a créé le plus vaste empire de l'Amérique préclombienne.

La plus vieille cité du continent Américain, une des plus anciennes au monde (entre 2627 et 2100 avant notre ère) est Caral, un grand centre urbain (situé dans la région de Lima) dont l’organisation sociale et économique est très avancée : céramique, tissage, travail de l’or et du cuivre, construction de canaux d’irrigation, culture en terrasses, etc. On y a trouvé des figurines en argile crue, des flûtes taillées dans des os, et des cordelettes à nœuds (quipus), les calculettes de l'époque.

La culture de Chavin qui a émergé au Ier millénaire (1800-300 av.), a bâti des architectures puissantes et créé un art raffiné. La vie sociale et économique se développe. Les figures divines sont celles des grands prédateurs locaux comme le jaguar, le serpent ou le caïman.
Lui succéda la civilisation du royaume de Moche qui s'est étendu sur tout le littoral péruvien et a développé une société très hiérachisée.
La Huaca de la Luna, le temple de la Lune (appellation espagnole), est un site Moche somptueux dans les sables et construit d'adobe, ce sable fin mêlé à un peu de chaux et de paille.

Encadrant la cité, deux pyramides se faisaient face (la Huaca del Sol est encore fouillée et non visitable). Leur construction entièrement en briques d'adobe, voyait tous les cent ans un nouvel étage s'ajouter. La pyramide qui compte cinq degrés est haute de 21 mètres, sur une base de 80 mètres sur 60.

Héritiers de la culture Mochica, les Chimús restaurèrent et développèrent l'irrigation dans toutes les régions de leur empire. Puissant et centralisé, relayé par une grande administration, l'empire se dota de forteresses à ses frontières et d'un réseau commercial et industriel (métallurgie) efficace.
Le royaume connut son apogée au XVe siècle. Sa capitale, Chan Chan, la plus grande ville à l’architecture en adobes de l’Amérique précolombienne, révèle une organisation politique et sociale rigoureuse : temples, habitations, entrepôts, mais aussi des réservoirs et des plateformes funéraires. Les murs en pisé étaient souvent décorés de frises représentant des motifs abstraits et des sujets anthropomorphes et zoomorphes.
On y distinge plusieurs secteurs d'activité : tissage, travail du bois, des métaux. Tout autour, de vastes terres au réseau d’irrigation complexe sont consacrées à l'agriculture.

Chan Chan est un chef-d’œuvre de l’urbanisme. Le traitement de l’espace habité et l'organisation du bâti font preuve d'une grande maîtrise de l'organisation politique et sociale.

Leurs murs bâtis en alvéoles superposées sont décorés de bas-reliefs, de frises géométriques polychromes, de représentations stylisées de poissons, d'écureuils, de monstres marins, etc.

L'érosion ayant adouci les angles et les arêtes, les murs présentent une sensualité extrême toute en courbes très douces.


Pachacamac, près de Lima, est le site archéologique le plus étendu du Pérou. Il s'étale sur plusieurs dizaines d'hectares et compte des centaines de temples de différentes époques. Les pré-Incas puis les incas n'avaient pas le droit de détruire les anciens lieux cérémoniels, aussi ils ont bâti tout au long de leur histoire de nouveaux temples à coté des anciens. Le site de Pachacamac (déesse-mère) est plus important que le Machu Picchu bien que moins spectaculaire. Il a vu défiler les civilisations qui se sont succédées : les cultures Chavin, Lima, Huari, Mochica, Chimù jusqu'aux Incas.


Ils ont notamment complété le réseau routier qui est devenu très dense.
La légende dit que l'Inca établi à Cuzco pouvait manger du poisson frais grâce aux relais de coureurs à pied
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Installé au bord du Pacifique, l'immense site est aussi composé d'adobes sur lesquels on trouve encore des traces de peinture rouge, mais aussi de sous-bassements en pierres taillées. S'y déroulaient des cérémonies religieuses et des sacrifices regroupant de grandes foules. Le site abrite des milliers de sépultures (80 000), chacune comportant plusieurs corps en position fœtale et recouverts de tissus et couvertures, attendant leur prochaine résurrection. La vie pour les andins se prolongeait bien au delà de l'existence terrestre, et pour accompagner le voyage, les sépultures contenaient toutes sortes de vêtements, d'objets ou de bijoux, voire de nourritures.

Un très moderne musée de site présente nombre de céramiques, de sculptures, de bijoux de grande valeur. Pendant des siècles, les pilleurs de tombes ont sévi, mais aujourd'hui il existe une législation stricte pour protéger ce trésor national accumulé pendant des siècles. Jordan, notre guide d'origine Inca, un étudiant parlant bien le français, nous a permis de bien comprendre l'architecture des lieux. Une grande maison des femmes regroupait des centaines de jeunes filles qui étaient éduquées pour devenir prêtresses ou femmes de notables. Chaque empereur avait plusieurs centaines de femmes, mais c'est l'épouse principale qui dirigeait le harem.
La plus belle partie du site surplombe l'océan d'où deux grands rochers sacrés émergent, considérés comme les matérialisations de dieux.

A Lima, nous visitons aussi le site archéologique pré-Inca, la Huaca Pucclana, proche de notre hôtel. C'est un immense centre cérémoniel et administratif de la période dite Lima (800 à 1000 de notre ère). Il est aussi bâti en briques de terre mêlées à de la paille, le fameux adobe, mais particularité étonnante, ces briques moulées à la main sont posées verticalement et très légèrement espacées pour amortir les tremblements de terre.

Ces millions de briques étaient peintes en jaune afin de renvoyer la lumière du soleil, probablement pour impressionner le peuple. Sur ces immenses terrasses avaient lieu des sacrifices pour s'attirer la bienveillance des dieux. Leur culture plutôt matriarcale vouait un culte à la mer toute puissante et nourricière.

Sur le site sont présentées aussi leurs agricultures vivrières de quinoa, de pommes de terre et de maïs, leurs plantes natives principales. Ils étaient aussi parmi les premiers à cultiver le coton (noir et blanc) pour réaliser leurs tissus. La laine des lamas et alpacas leur servait pour tisser leurs beaux vêtements très colorés. Ils ne connaissaient ni le cheval ni la vache, arrivés bien plus tard avec les conquistadors espagnols.

Une belle ballade sur les hauteurs accompagné du guide andin nous permet de comprendre l'ensemble du site qui s'étendait bien au delà, mais la ville entre-temps a tout envahi. Les monuments en adobes sont de nos jours noyés au milieu d'immeubles modernes de fer et de verre.

Toujours à Lima, visite du Musée Larco, la très belle maison d'un grand archéologue collectionneur de céramiques incas.
Ce Musée est d'une richesse impressionnante : sculptures, textiles, bijoux (pectoraux, couronnes, boucles d'oreilles immenses, et même bijoux de nez). On y admire aussi des céramiques précolombiennes superbes, particulièrement celles de la période Mochica (100 à 700 environ).

Il couvre quatre mille ans d’histoire et nous donne une idée très complète des nombreuses cultures pré Incas. Une grande salle est consacrée aux céramiques érotiques.

Dans ce musée aussi, un charmant restaurant d'allure coloniale avec plantes grimpantes et jolis éclairages nous accueille pour boire le fameux algorrabina que j'attendais de goûter depuis des années. Le fruit est issu de l'arbre magique et symbolique du Pérou, l'algarrobo, qui figure sur tous les écussons du pays (avec une corne d'abondance et un lama). Son goût réglissé complète souvent les jus de fruits.


Un autre Musée Archéologique installé lui aussi dans une vieille demeure coloniale toute en boiseries nous a beaucoup intéressés. Situé dans le cœur historique de Trujillo, la capitale du nord du Pérou, il couvre de la préhistoire aux périodes post coloniales.

On y voit le fétiche recopié par Hergé dans L'Oreille Cassée

 



Les Incas

Les Quechuas Inka, fils du Soleil, une tribu guerrière venue des alentours du lac Titicaca, établit sa capitale à Cuzco (vers 1350). Inca Roca, puis ses fils, créent un empire qui s'étend du sud de la Colombie à l'Equateur, la Bolivie et une partie de l'Argentine et du Chili du Nord. En 1438, Pachacutec entreprit un vaste aménagement du territoire avec un réseau routier très dense de routes empierrées (les chemins de l'Inca). C'est à lui que nous devons Cuzco, sa capitale (pourtant à 3400 mètres d'altitude), le Machu Picchu, Sacsayhuaman, Pisac, toutes des merveilles architecturales (qui attirent des millions de visiteurs).
Cuzco (nombril du monde en quechua), ressemble aujourd'hui plutôt à une ville coloniale espagnole à l'architecture baroque et rococo.

Ses principaux monuments : la Cathédrale, le couvent Santo Domingo, le palais archiépiscopal, etc., sont pourtant bâtis sur les vestiges de palais ou de temples incas. Les superbes murs incas faits de pierres immenses parfaitement ajustées, sont présents dans toute la ville suggérant la richesse et la puissance de la cité.

La véritable expansion des Incas commence en 1438, avec Pachacutec (1438-1471), qui forme un vaste empire s’étendant sur toutes les Andes. Il établit une législation et une administration en développant un gigantesque réseau de routes (le Qhapaq Ñan) que des messagers rapides à la course parcourront dans tous les sens, puis impose le quechua comme langue officielle. Ses fils étendront l’Empire jusqu’à l’Equateur et la Colombie.


Couvent Santo Domingo et Corichanka

Bâti sur les ruines du Temple du Soleil, le plus important lieu de culte inca, le joli couvent avec boiseries est situé en plein cœur de Cuzco.


Une représentation du monde ?


Sacsahuaman

Si Cuzco pour les Incas a la forme d'un puma, leur animal sacré, Sacsayhuaman, sa citadelle en était la mâchoire, la tête. Ses trois remparts constitués de blocs énormes (jusqu'à 300 tonnes) sont si parfaitement ajustés qu'on ignore encore les techniques utilisées. La taille et le transport de ces énormes pierres devaient être assurés par les milliers de gens du peuple qui avaient l'obligation de donner des jours de travail à l'Inca. De grandes cérémonies au culte du soleil. regroupaient des milliers de personnes.

Trois énormes murs faits de pierres gigantesques (de plusieurs tonnes) assemblées sans mortier et parfaitement ajustées sont impressionnants.

Le site est somptueux avec ses murailles en zig-zags symbolisant la foudre et ses portes à linteaux. Une volonté d'affirmer sa puissance s'exprime à travers ces constructions gigantesques imposant le respect.



Une plaine jaune dorée bien lisse due au lamas et alpacas qui broutent séparent les constructions.


Pisac
Pisac, perdrix en quechua (nom probablement dû à la forme en aile du site) est aussi une forteresse (édifiée par Pachacutec) défendant l'entrée sud de la vallée sacrée. Ses différents quartiers résidentiels ou casernements sont dominés par la citadelle. Son temple ovale en porphyre rouge est traversé par un canal alimentant des fontaines, probablement pour les ablutions ou purifications. Une pierre dressée indiquait les solstices.
Le versant de la colline est couvert de terrasses agricoles construites par les Incas et toujours utilisées.


Moray

L'institut agronomique des Incas. Sur les terrasses aménagées en cercle, plusieurs types de cultures étaient expérimentées.

La superposition des terrasses crée une série de microclimats : la température est plus élevée au centre mais diminue ensuite en fonction de la hauteur de chaque terrasse. Les Incas tentaient d'acclimater aux conditions locales des plantes exotiques.
Le site est de toute beauté, les cercles concentriques jouant entre eux et avec la lumière.



Les terrasses sont constituées de murs de soutènement, de terre fertile et d'un système d'irrigation complexe permettant de cultiver plus de 250 espèces de plantes.

 

Salineras
À plus de 3 200 m, une source jaillit donnant naissance à un ruisseau saturé de chlorure de sodium, probablement traversant un noyau de gemme. Un atout précieux dans cette région très éloignée de la mer.



Le sel est récolté dans 3 600 bassins. Le site est très beau avec ses rectangles variés de blanc et de jaune pâle.


Ollantaytambo
L'autre forteresse défendant Cuzco au nord.
C'est l'un des rares vestiges de l'architecture urbaine inca avec ses bâtiments, ses rues et ses patios. Des maisons longues et étroites, d'autres carrées, séparées par les canaux, présentent des niches dans les murs.

Elles sont bâties en schiste et recouvertes de boue jaunâtre. Le contraste entre les énormes pierres des murs et les toits en paille très fragiles (ils ont disparu) est flagrant.
Dans la partie haute se trouvent les vestiges du temple tout en porphyre rouge, les plus remarquables étant six blocs assemblés entre eux avec une grande précision.


Aguas Calientes
Au confluent de trois vallées encaissées au bord d'un torrent et dominée par de hautes montagnes rocheuses couvertes de forêts, Aguas Calientes est une petite ville bâtie autour de sa voie ferrée.
C'est l'accès obligatoire au Machu Picchu. De là, un bus mène au célèbre site.
la petite cité doit son nom à des sources chaudes situées tout en haut du village.
Une particularité : le mobilier urbain est très soigné.

 


Le Machu Picchu est plus un site défensif, une place forte entourée de remparts, qu'une ville. Au cœur de l'ensemble, le palais de l'Inca Pachacuti Yupanqui (qui régna de 1438 à 1471). La partie sud de la cité était consacrée à l'agriculture. L'altitude modérée et la douceur du climat autorisaient les cultures de coca, pommes de terre, maïs, etc., sur de vastes terrasses admirablement irriguées.
Sur la place principale, l'Intihuatana (endroit où on attache le soleil) et tout autour, quelques maisons d'habitation munies d'un système d'évacuation des eaux sophistiqué.
Cette ville sacrée à été oubliée durant des siècles, avant d'être découverte par l’archéologue américain Hiram Bingham. C'est une œuvre maîtresse de l’architecture inca. Le site est considéré comme l’une des sept nouvelles merveilles du monde (2 438 mètres d’altitude).

Particularité qui ajoute à la beauté du site, les ruines sont à cheval sur la crête entre deux sommets : le Huayna Picchu, signifiant « jeune montagne » et le Machu Picchu, « vieille montagne »
L'environnement est grandiose. Le site naturel est entouré de montagnes qui forment un écrin pour les 172 constructions qui s’étagent sur 530 mètres de long et sur 200 mètres de large.

L'empire inca sera dévasté par les envahisseurs espagnols (1533) qui ont profité de son affaiblissement dû aux luttes fratricides de succession entre les deux fils de Huayna Capac, descendant de Pachacutec.

Les deux civilisations qui se rencontrent alors ne sont pas au même niveau technique : les Incas n'utilisaient pas la roue, très peu la métallurgie (si ce n'est décorative). Ils n'avaient pas de système d'écriture, mais maîtrisaient un système de comptabilité utilisant des ensembles de cordelettes à noeuds de couleurs différentes appelés quipus. Les Incas ont développé également des connaissances étonnantes en astronomie et en mathématiques, ainsi que des techniques complexes d'agriculture et d’architecture allies un degré élevé d'organisation sociale.

A partir de 1532, les conquistadores espagnols vont conquérir et détruire l'empire Inca...