Alain Amiel
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Un demi-siècle au service de la lecture :
La Bibliothèque du Chellah

Mon frère aîné André est le premier libraire de la famille. À partir de l'âge de seize ans, il apprend son métier aux Belles Images, la grande librairie de Rabat dont il devient l'employé principal avant d'en prendre la direction. Il acquiert au cours des années une connaissance hors pair de toute la littérature française, mais aussi des ouvrages scolaires, techniques, de voyage, historiques, etc. Dynamique et attirant la sympathie de tous, il est reconnu comme un des libraires le plus avisés du Maroc.

Libraire, mais aussi galeriste, les Belles Images avaient en sous-sols la meilleure galerie de peintures de Rabat et mon frère était l'ami des plus grands peintres marocains et étrangers. Il a organisé des expositions importantes de Mantel, Pontoye et bien d'autres. Je tiens probablement de lui mon amour pour la peinture.

À une de ses connaissances, Madame Roure, propriétaire d'une petite librairie  "Au Signet du Livre" (Place Pietri) qu recherchait une employée, André présente notre mère qui, à son tour, apprend le métier de libraire. Après quelques années, elle décide de créer sa propre librairie, aidée toujours par mon frère aîné.
Cherchant à installer sa librairie le plus près possible du Lycée Gouraud, le grand lycée français de Rabat, elle loue dans un immeuble récent (juste en face de l'entrée du Lycée) un garage qu'elle meuble de quelques étagères. Je me souviens qu'au début (j'avais onze ou douze ans), je l'aidais à tirer le lourd rideau roulant (dans une photo que j'ai prise en 2011, on voit le rideau d'origine du garage d'à côté).

Appelée "Librairie du Chellah" (on était dans le quartier du Chellah, une forteresse mérinide bâtie sur une ancienne cité romaine), le commerce va tranquillement prospérer.

Mes parents ont rapidement aménagé le garage, couvrant le sol de carreaux de céramique aux motifs géométriques puis en installant une vitrine et une porte en fer. Avec ses nouvelles étagères en bois et une belle caisse, la petite librairie avait de l'allure.

La rentrée des classes était le grand moment de l'année. À l'époque, les livres scolaires étaient achetés par les familles et une foule d’élèves accompagnés de leurs parents se pressait dans les librairies pour y acheter les livres de l’année à venir (et vendre ceux de l’année précédente). Pendant les deux mois précédant la rentrée et le mois suivant, les affaires marchaient bien. Il y avait même une file d'attente les jours de la rentrée.
La librairie vendait des livres essentiellement d'occasion, mais aussi des livres neufs, changement de programme oblige, fournis par mon frère pour compléter les listes. J'avais à l'époque douze ou treize ans et je les aidais efficacement. Je savais m'occuper des clients qui venaient avec leurs listes. Le soir, j'aidais mes parents à trier les livres achetés pendant que mon père réparait ceux qui étaient en mauvais état (il aimait beaucoup faire ça).
Il arrivait aussi qu'ils s'absentent et que je garde la librairie. J'ai passé des heures et des jours tout seul, mais je ne m'ennuyais pas. Outre les clients, j'avais à ma disposition des centaines de livres. Mon amour pour la lecture a commencé là.


La librairie était généraliste. On y trouvait des polars, des livres d'art, de peinture, de SF, des bande-dessinées. J'avais en seconde main les Tintin, les Spirou, les fanzines. Je lisais sans cesse. Tout m'intéressait.
Un rayon avait un grand succès, celui consacré aux livres sur l'histoire du Maroc. Mon père s'en occupait particulièrement. Ils étaient très prisés et plutôt chers. Je me souviens avoir vu des ministres à la recherche de livres rares. Mon frère André en était un des meilleurs spécialistes.
En dehors des périodes scolaires, une bibliothèque circulante permettait d'avoir un nombre de clients réguliers et fidèles qui venaient emprunter des livres. Mes parents achetaient des lots de livres aux particuliers et très rapidement la librairie a été pleine à craquer. Il a fallu agrandir. D'abord avec une soupente en bois où on accédait par un escalier raide, puis en louant un studio juste derrière. Le mur mitoyen fut abattu, l'espace avait doublé.

Le lycée étant en face, la clientèle était composée d'élèves, d'enseignants, d'intellectuels, de familles marocaines et françaises.
En 1963, le lycée français a déménagé pour l'Agdal, un quartier excentré. Tous les élèves du lycée Gouraud ont émigré vers le tout nouveau et tout beau lycée Descartes.
Ma mère a loué un studio en rez de chaussée à proximité du nouveau lycée pour installer une succursale de la librairie, mais cela n'a pas marché. Je me souviens avoir passé tout un été à garder le studio aménagé en librairie. Il n'y passait presque personne et je crois que j'ai lu presque tous les livres, notamment tout le rayon de science-fiction.
Les clients continuaient à venir à la librairie du Chellah et nous y sommes restés jusqu'au printemps 1967 où mes parents ont décidé de partir pour s'installer à Nice, quittant avec regret le pays où depuis plusieurs ce nombreux siècles leurs ancêtres ont vécu.
Mon frère André, resté à Rabat, a repris la librairie avec sa femme Renée qui a quitté son emploi à la Caisse des Retraites pour apprendre à son tour le métier de libraire. André la rejoignait tous les soirs et pendant cinq ans, la librairie poursuit sa tranquille ascension.
En 1972, ils décident à leur tour de s'installer en France.
Une excellente cliente, Mme Chakir, professeure du lycée Gouraud, a tout de suite été intéressée pour la reprendre. La boutique a continué sur les mêmes bases, au détail près que Mme Chakir aidée de Mme Bellarbi Andrée, ont installée un système de prêt (bibliothèque) que Abdallah a dû arrêter, étant défaillant et créant des inimités avec les abonnés  !



Abdallah a transformé la librairie en Bouquiniste, ce qu'elle était déjà en partie, une activité qu'il continue à développer admirablement et à moderniser en se servant des récentes techniques et des réseaux sociaux comme Facebook. Ainsi nous recevons des nouvelles de la librairie, des livres rares aux nouveautés qu'il promeut en fin analyste critique et lecteur passionné.
Voir sa page fb : https://www.facebook.com/Bouquiniste.Chella

Ecrit à la demande de Abdallah
Remerciements pour leurs informations à ma belle-soeur Renée et à Abdallah