Koen van Mechelen

Cosmopolitan Chicken Project


L’artiste a le droit de tout explorer, il peut faire de chaque chose une œuvre d’art. Il offre un nouveau regard sur le monde, ou au moins un reflet de ce qu'il en a perçu. Il propose des formes inattendues, sorties de l'esthétique classique ou même contemporaine. Il décide lui-même de ce qui va être l'objet de son travail, de l'appareil conceptuel qu'il va devoir créer de toutes pièces pour inventer un nouvel univers et les règles pour le régir. Car sa création a le devoir d'être cohérente, compréhensible, transmissible. Elle doit ajouter un nouveau chapitre à la compréhension du monde.
Au delà des images qu'il propose, l'art se doit d'être un nouveau regard acéré, dérangeant, décalé, si possible, révolutionnaire, c'est-à-dire qui peut changer le monde. Un artiste, un vrai, doit embrasser l'universel. Les beautés qu'il nous met sous les yeux doivent nous aider à réfléchir, à remettre en question le discours courant, et à nous transformer.
Koen van Mechelen va au delà. Dans son travail avec les poules, il implique l'humanité à qui il propose une nouvelle relation au monde animal. En reconnaissant leurs droits, il engage un débat, un combat contre la manière dont on traite les animaux, ceux qui vivent auprès de nous, qui nous accompagnent depuis des millénaires.


Le Cosmopolitan Chicken Project a pour ambition de redonner aux poules leur dignité.
Depuis le néolithique, leur espèce s'était bien entendue avec le genre humain, elles avaient passé un contrat implicite avec lui : il les protégerait, les nourrirait et elles lui donneraient des œufs et leur chair. Jusqu'à la période industrielle, le contrat a été respecté, mais depuis ce dernier siècle, l'homme a esclavagisé leur espèce et l'exploite dans les conditions concentrationnaires et productivistes impitoyables.
En réaction â cette barbarie, Koen a élaboré un programme d'élevage mondial mêlant les poules de tous les pays, l'objectif étant de créer de nouvelles espèces et surtout de faire advenir la poule universelle, celle qui résultera du mélange de tous les gènes des poulets existants. Œuvrant au niveau mondial, il a déjà fait croiser des espèces de plusieurs pays (17 à ce jour) et continue de multiplier les hybridations.
Au lieu de vouloir à tout prix et contre toute logique se replier sur une identité, Koen nous entraîne à une réflexion sur l'hybridation. Elle suit la logique même du monde. La nature est un brassage perpétuel de gènes et de formes tout au long de l'histoire biologique. On peut être génétiquement très différent de son voisin et proche de gens qui vivent de l'autre côté de la planète. L'identité culturelle aussi est faite de brassages importants depuis la préhistoire. Les langues sont elles-mêmes composés de mots de toutes origines.
Animaux hybrides, les êtres parlants ont considéré que la planète leur appartenait même si les autres espèces sont autant que nous dépositaires (pour un temps très court) de la même planète. Nous devrions partager le même espace dans le respect les uns des autres. Il est vrai que l'homme ne se traite pas bien lui-même...
Koen nous donne ce genre de leçon. Cela vaut le coup d'être tenté. Koen, en tous cas, est déterminé à nous entraîner sur cette voie. Il ne tient pas un discours militant, il montre par l'exemple ce que serait une nouvelle relation homme-animal. Il a conscience d'être impliqué dans quelque chose de plus grand que lui, déterminé à faire participer le monde entier dans son projet.
Le choix des poules n'est pas anodin. Le coq est un bel animal coloré, fier, batailleur, défenseur de son harem de six à dix poules. Ce sont des animaux intelligents, capables de se reconnaître individuellement, capables d'empathie, (les poules souffrent quand elles voient leurs petits déplumés). Elles sont parmi les premiers animaux domestiqués par l'homme avec les moutons, les chèvres, les cochons. Seul le chien les devance de plusieurs millénaires. Sa fonction d'alerte l'a rendu très vite utile aux hommes qui, en échange, le nourrissaient.
Les superbes coqs élevés par Koen sont sublimés par son regard photographique qui nous montre de près la beauté de leurs couleurs, de leur expression. Une espèce, la Red Jungle Fowl, originaire des forêts tropicales d'Asie, a donné naissance à toutes les autres. Koen prolonge et accélère en quelque sorte le programme de la nature tout en prenant pour objet esthétique un être vivant, un animal élevé au rang d'objet d'art.
Dessins, peintures, sculptures, vidéos, livres, etc., Koen se joue de tous les médias et de toutes les techniques. Du coq empaillé aux grandes photos, aux installations, aux œufs géants en pierre, son œuvre est diverse, ingénieuse, riche de sens. C'est un artiste effervescent qui fait naître sans cesse de nouvelles structures offrant de nouveaux outils intellectuels.


Synergie, science, culture, éthique, ont été convoqués pour la création en 2012 d'une Université de la diversité (OpUnDi) dans une ancienne usine de gélatine de sa ville de Hasselt. L'(OpUnDi) est conçu comme l'instance organisatrice des projets Cosmopolitan Chicken, le CC ® P, The Egg marche et CosmoGolem, un projet humanitaire pour venir en aide aux enfants. Un géant en bois (une de ses premières œuvres), constituant le symbole des droits universels des enfants. Le Golem a été recréé en Inde, au Nicaragua, en Tanzanie, en Pologne et au Pakistan.
Dans cette université, l'artiste et le scientifique ont ouvert un lieu de réflexion et de rencontres pour discuter sur la diversité biologique et culturelle, l'identité, l'hybridité, les modifications génétiques, le clonage et toutes les questions éthiques qui vont avec. Par leurs recherches, ils peuvent apporter des réponses éclairées sur ces questions. Pour ses travaux, Koen a été nommé Docteur honoris causa de l'Université de Hasselt. Il collabore aussi avec l'OMS sur la fécondité des pays en développement.
Un magazine, "L'Accident", fait le point des actions et des recherches en présentant ses œuvres et son engagement dans le monde non-artistique.
Né du croisement d'un Père philosophe et d'une mère styliste, Koen est le Premier artiste à s'attaquer à la génétique, à l'élevage artistique, à la diversité biologique et culturelle, à l'hybridité. Il établit des connexions entre génétique, éthique, politique et philosophie. Au delà d'une recherche esthétique, il crée un art-monde, un art impliqué dans le social, l'éthique et l'écologie, un art qui nous oblige à nous remettre en question, un art qui ne se contente pas de critiquer le monde, mais qui a la volonté de le changer.
Il cite Kapoor, pour sa direction spirituelle, Kounelis pour son rapport à l'animal, Picasso, Beuys, des artistes engagés comme lui, impliqués dans une volonté de changer le monde. Comme le jeune cuisinier qu'il a été, il fait avancer tous ses projets en même temps, du pelage des légumes à la table servie avec ses multiples plats qui doivent être prêts à temps pour offrir aux hommes de quoi nourrir leur pensée et leurs actions.

Alain Amiel

 

 

 

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