Alain Amiel



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Guichou au centre culturel de Villeneuve-Loubet

L'exposition sur les trois niveaux du Centre Culturel André Malraux apparaît comme une rétrospective de l'œuvre de Guichou. De ses vieux "fonds de tiroirs" à ses récentes guerrières, tout son travail se déploie, montrant la richesse iconographie créée au cours du temps.
Des milliers de personnages nées de son imagination ou de son histoire peuplent ses œuvres. Elle leur fait raconter des histoires, toutes personnelles, toutes singulières.


Le support importe peu. Des vieux tiroirs font l'affaire. Dans leur fond de bois taché, vieilli,  elle "lit" des histoires. Des visages, des personnages apparaissent. Des petites scènes qui se passent de dialogues pour exprimer des sentiments, des émotions... Les personnages prennent vie. Ils étaient là, au fond du tiroir d'où Guichou les a extraits pour les révéler, leur donner vie.
Les tiroirs recèlent toujours des vieilles histoires, les objets ou papiers rangés là n'y sont pas par hasard. Ils se rattachent nécessairement à une histoire à laquelle on tient. Ils ne sont pas tout à fait oubliés. On aurait pu les jeter, mais si on les a gardés, c'est qu'ils ont un sens, qu'ils sont liés à un moment de notre vie. Un fond de tiroir comme portrait en creux d'un instant.
Si le tiroir raconte plutôt des histoires familiales, dans ses grandes tableaux aux centaines de personnages, il s'agit plutôt d'explorations de sociétés humaines. À la manière des Bruegel ou Bosch, on y voit tout un peuple actif, occupé à toutes sortes d'activités, une métaphore de la ville grouillante.

Dans ses portraits en chewing gum, c'est le travail de la bouche qui est à l'honneur, la bouche qui parle, qui mâche, mastique pendant des heures pour fabriquer le matériau idéal, celui que Guichou va pouvoir modeler manuellement puis sculpter. Là encore, apparaissent des portraits de personnages issus de son esprit mais aussi de l'histoire de l'art. Les compositions les plus élaborées en chewing gum font penser à des ex-votos ou des icônes (voir sa représentation du monde avec l'argent tout en haut, l'argent roi, l'argent à la place du ciel, à la place de Dieu...)

Parmi ses derniers travaux, les Grandes Guerrières : Africaine, Asiatique ou Indienne, sur leurs chevaux altiers, ces femmes puissantes sont des conquérantes.
Elle sont élaborées à base de tout petits cercles, des minis cellules arrondies serrées entre elles, assemblés pour composer le personnage et son cheval.


Ces petits ronds sont dessinés comme dans une transe, à perdre la conscience de ce qui l'entoure. Le geste seul compte, se répétant infiniment, par proximité, plus ou moins épais, plus ou moins dense, un ensemble de milliards de bulles, séparées par des traits les délimitant en zones. "Je ne peins pas ce que je vois", disait Picasso, "je peins ce queue pense". Une pensée exprimée en signes graphiques, une pensée comme support, ou origine d'un geste, où le trait est un signe : "Comme les mots dans une phrase", dixit Van Gogh.
Ce geste posé, presque mécanique, obsessionnel, calme à l'extérieur, cache une tension très forte, un grouillement d'idées, un dialogue intime.
Avec cette technique simplissime de traits et de ronds, Guichou crée des univers un peu froids, qui expriment ses préoccupations écologiques.
Une œuvre impressionnante, une grande boule noire (un trou noir ?)  dont on ne sait s'il est une des dernières étapes de la contraction ou le début de l'explosion qui va entrainer l'expansion de l'univers juste après le big bang.
Des milliers de fibres, neurones ou filaments, s'y rattachent, s'éloignant de la sphère noire menaçante, donnant une impression de brisure, de cassures ou de fractionnement du monde qui déborde la toile. On peut y voir aussi une ovule assaillie de spermatozoïdes aux longues queues.
L'origine, l'état et la fin d'un monde, les interrogations essentielles que nous proposent les artistes quand ils sont vrais.

 

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