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Le Rêve au Luxembourg

Songe et mensonge

Le rêve est une merveille. Il brasse les souvenirs, les images, les sons, fait apparaître des personnes depuis longtemps disparues, des parents ou des amis, des célébrités ou des inconnus, des hybrides de personnes, de lieux, des scènes sexuelles, d'autres d'angoisse, etc.
Pour le rêve, le temps n'existe pas, la logique narrative non plus, il tient du collage surréaliste, du rébus, de l'insensé. Les artistes ont pourtant tenté de s'emparer de cet univers qui leur paraissait si proche de ce qu'ils cherchaient. L'exposition du Palais du Luxembourg présente les "visions" d'artistes de la Renaissance.

Les peintres font généralement apparaître le rêve au-dessus du dormeur dans une bulle, un phylactère ou un flou entourant la représentation. Si montrer une personne en train de dormir est aisé, comment peindre quelqu'un qui rêve, différencier le dormeur du rêveur ?
Un dessin de Léonard de Vinci est souvent repris : une dormeuse, avec autour d'elle, un masque, des symboles, des références iconographiques aux mythes grecs.

La rêveuse, le plus souvent une femme nue, en état d'abandon, presque offerte, indique que les peintres ont bien saisi la dimension érotique du rêve. Celle de la mort, aussi, que le sommeil, coupé du monde, évoque.
Les visions hallucinatoires de Jérôme Bosch sont superbes, impressionnantes. Sur les cinq toiles présentées, des centaines de figurines, de formes hybrides, moitié humaines, moitié objets, des monstres, sont occupées à des activités étranges. Les couleurs rougeoyantes ou sombres de cet enfer grouillant, surpeuplé, semblent émerger d'un cauchemar.
Le rêve de Jacob, le plus célèbre de la Bible, est plusieurs fois représenté. L'échelle qui mène au ciel, les anges qui montent et descendent, etc., reprend l'idée d'un surmonde pour lequel il existerait des passerelles, en tous cas, celle du rêve.

Les rêves ont-ils un sens, peut-on les déchiffrer ? Ces questions occupent les hommes depuis l'origine. Différentes interprétations ont été proposées au fil des siècles : chamaniques, magiques, divinatoires. mythologiques, religieuses, philosophiques et enfin psychanalytiques.
Messagers des dieux ou des défunts, on leur donnait le pouvoir de prédire l'avenir ou délivrer des messages individuels. On a cru y trouver des symboles, des sens communs à tous les hommes, mais il n'existe définitivement pas de "clé des songes".
Chaque rêve naît d'un individu et n'a de sens que pour lui. En demandant à l'analysant d'associer librement les éléments de son rêve, la psychanalyse aide à le déchiffrer.


Selon Freud, il témoigne  aussi des lois de l’organisation du psychisme (les mêmes que celles du langage) et du fonctionnement de l’inconscient.
Contrairement aux cultures chamaniques où le rêve était valorisé, où il était conseillé de le rapporter au groupe pour s'en défaire ou plutôt d'en faire quelque chose, de le partager pour lui donner du sens, notre civilisation le refoule, s'en débarrasse comme s'il constituait un danger.
Vite l'effacer de sa mémoire est un réflexe commun. Il nous effraye car il contredit notre rationalité, fait apparaître les désirs refoulés et laisse entrevoir un univers incohérent, contradictoire.
À part les psychanalystes et certains chercheurs qui en étudient les aspects physiologiques, il ne fait pas l'objet d'études à sa mesure.
Il pose pourtant de nombreuses questions et d'abord celle de la survie. Comment se fait-il qu'un organisme aussi élaboré que le nôtre s'abandonne complètement et reste sans défense pendant de longues minutes. Le sommeil qui repose et répare le corps entraîne aussi cette phase dite "paradoxale" (6 minutes toutes les 25 minutes) où nous sommes totalement déconnectés de notre corps tout en ayant une activité cérébrale aussi importante (voire plus ?) que pendant l'éveil.

Si l'homosapiens, cet animal si perfectionné, se met en danger, c'est qu'il doit y avoir de puissantes raisons pour cela. Il y aurait un besoin de digérer le mental, les traumas, comme on digère la nourriture ? Il servirait en sorte à métaboliser le traumatique pour, au réveil, nous rendre notre conscience rationnelle, comme si elle avait été lavée, nettoyée (des études nous ont appris que si on empêche un individu de rêver, il devient fou).
La plupart du temps, les rêves sont effacés par les phases suivantes du sommeil.  Quelques bribes néanmoins traversent les deux champs, des bouts de rêve, les plus angoissants, nous réveillent parfois, mettant du temps à de dissiper, hantent notre conscience.

Le rêve est une énigme quotidienne et sa représentation se joue de tous les sens, de toutes les techniques, de toutes les approches artistiques. il est incohérent et semble impossible à représenter tant il est complexe. Le cinéma, avec ses montages époustouflants, ses scénarios abracadabrants, ses sons fulgurants, ses sauts dans le temps ou l'espace, etc., est peut-être l'art qui se rapproche le plus du rêve.
Mais l'art ou la science qui pourrait rendre compte de ses causes et de ses implications semble impossible tant le rêve est insaisissable. Cette énigme au cœur de chacun est loin d'être résolue.


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